Nous sommes le 17 avril 2012, au terme d’une chaude journée, le soir tombe sur Washington Square Park, au cœur de Manhattan. Sous l’arc de triomphe dédié à George Washington, il y a… un piano à queue. Il n’était pas là tout à l’heure, d’où sort-il ? Son propriétaire l’a-t-il garé là le temps de faire une course dans le quartier ? (*) Aucune affichette n’annonce de récital pour ce soir, rien ne permet de comprendre pourquoi cet instrument est là en plein-air. Perplexité. Et voici qu’un jeune type s’assied au piano et, sans partition et sans rien dire, se met à jouer un impromptu de Schubert, puis un autre. Un attroupement se forme autour de lui, le public écoute dans un silence religieux, le vacarme new-yorkais semble soudain bien loin. On a une pensée pour cette musique universelle qui relie les hommes par delà les océans… Pendant ces instants, le public partagera beaucoup, même si les gens ne se parlent pas. Le second morceau terminé, les applaudissements à peine finis, des spectateurs se pressent pour donner une pièce au pianiste ; mais celui-ci n’y prête aucune attention et s’en va tranquillement sans rien dire, comme il était venu. Le piano reste là tout seul, la nuit vient, on espère que quelqu’un va penser à venir le chercher pour lui éviter de coucher dehors.
PS : Il n’y a même plus de mystère… après avoir écrit cet article, j’ai découvert que le pianiste s’appelle Colin Huggins, qu’il est un habitué du parc en question et qu’il a des vidéos sur YouTube, comme celle-ci, étonnante, où l’on voit parmi les spectateurs un père danser sur la musique avec son bébé dans les bras, et cet instant exceptionnel où le pianiste « accroche » la sirène d’une ambulance pour se lancer dans un morceau de sa composition, qui fait un peu penser à du Chopin. Et un bel article illustré ici.
(*) Vous pensez que je plaisante ? Attendez un peu un prochain article, vous allez voir.
Date de l’article d’origine : 29 janvier 2013. Photo : Jackie Spear. Et pour nos lecteurs pianistes, la partition de l’impromptu en question. PPS : à la date de ce jour (14 décembre 2015), je m’aperçois que cet article illustre de façon particulièrement éloquente le précédent, le piano dans la vidéo parvenant à créer une ambiance « hi-fi » dans l’ambiance « low-fi » de ce secteur de Manhattan.