Les sociotopes et l’ « hypothèse de co-occurrence des ressources dans la trame verte et bleue »

Ce titre peut vous paraître quasiment inintelligible (c’est un peu fait exprès !), mais vous allez voir, ce n’est pas si compliqué.

Quand vous choisissez un coin pour aller vous balader un dimanche, il est probable que vous n’optez pas souvent pour des plaines céréalières, des plateaux à maïs et élevages hors-sol ou des zones commerciales péri-urbaines. Un rapide coup d’œil à la carte topographique vous permet de repérer des zones vertes où vous êtes à peu près certain(e) de trouver tout à la fois du relief, des arbres, de l’eau, des prairies avec des vaches, des chemins balisés ou non, des petits oiseaux, des libellules, un vieux moulin, une fontaine, un point de vue, des mûres ou une poignée de girolles, d’autres promeneurs…  Et si votre hypothèse se vérifie sur le terrain, vous avez non seulement gagné une belle journée, mais aussi confirmé cette « hypothèse de co-occurrence des ressources dans la trame verte et bleue », développée par divers chercheurs – parmi lesquels Jack Ahern (lire par exemple Trames vertes, sociotopes, placemaking : trois approches complémentaires).

Selon ces chercheurs, « l’hypothèse de co-occurrence considère que dans tout « paysage culturel », les ressources telles que la biodiversité, la qualité paysagère, la récréation ou certaines productions sont spatialement concentrées le long des corridors » constitués le plus souvent par des vallées ou par des linéaments de relief. La plus ancienne recherche sur le sujet (1964) est due à Philip Lewis, professeur d’architecture paysagère dans le Wisconsin. Recensant et cartographiant 220 ressources écologiques, récréatives, historiques et culturelles, en vue d’élaborer un projet de trames vertes pour cet État, il s’aperçut que plus de 90% de ces ressources se trouvaient le long de corridors, qu’il qualifia de «corridors environnementaux» (1964). Lewis identifia l’importance de cette co-occurrence, non seulement comme un moyen de protection efficace du territoire, mais aussi pour montrer aux acteurs publics que leurs intérêts coïncident souvent dans l’espace. Les corridors environnementaux ont prouvé leur importance pour l’éducation, en accroissant la prise de conscience de l’importance des connexions entre les ressources naturelles et culturelles et de leur localisation préférentielle le long des trames vertes.

Travaillant il y a quelques années sur un projet de trame verte pour le SCOT du Pays de Concarneau, j’ai découvert fortuitement que cette trame englobait non seulement une bonne partie  du réseau hydrographique et des milieux associés, ainsi que la plupart des espaces naturels à forte valeur d’usage social, mais aussi une part importante du patrimoine bâti local – notamment des chapelles, fontaines et lavoirs, tout simplement en raison de leurs liens avec l’eau, ainsi que des châteaux ou manoirs, généralement établis sur des rebords de vallées et en lisière de massifs boisés.

Ahern cite un autre exemple, inverse celui-ci, de telles corrélations a priori inattendues au sein des trames vertes. Le Parc historique national de Minute Man (Mass., USA),  fut établi le long d’un couloir linéaire qui avait été déterminé pour sa signification historique, car c’est le lieu d’une ancienne bataille. On s’aperçut qu’une remarquable concentration de ressources biologiques (habitats d’espèces rares, écosystèmes rares ou uniques) se trouvait le long du couloir. Il en résulta qu’un projet de trame verte (greenway) fut élaboré en vue de réaliser un itinéraire d’interprétation basé à la fois sur l’histoire naturelle et culturelle du paysage, donc au-delà de ce qui était prévu au départ. Selon Ahern, « aucun exemple allant en sens contraire n’a été trouvé au travers d’un examen approfondi de la bibliographie sur les greenways. Toutefois, il est certain que des recherches complémentaires, structurées par une hypothèse claire et conduites avec une méthode solide et transférable, permettraient la nécessaire vérification de cette hypothèse. » 

Photo ci-dessus : dans le pays de Concarneau, cette chapelle et la fontaine située juste en contrebas jalonnent précisément la trame verte et bleue, dans laquelle on trouve ici des prairies humides, un ruisseau et le départ d’un sentier de randonnée – bon exemple de « co-occurrence des ressources ».

Date de l’article d’origine : 17 septembre 2012

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s