Regarder les gens

Regarder nos semblables est une des activités les plus agréables qui nous soient offertes ici-bas, encore que ça dépend des jours ; on peut la pratiquer dans une file d’attente au supermarché, mais c’est quand même bien mieux depuis une terrasse de café ou tout simplement depuis un banc public, pour peu que celui-ci soit orienté vers les passants. Et qu’y a-t-il de plus agréable que de voir passer des gens, si ce n’est d’échanger des commentaires sur les gens qui passent ? Cette activité sociale est un sport national en Italie, où le moment de la passeggiata, en fin d’après-midi, est particulièrement approprié – et même les touristes français se prennent vite au jeu.

William H. Whyte, qui nous est désormais familier, a bien sûr beaucoup de choses à nous raconter à ce sujet.« Ce qui attire le plus les gens, ce sont les autres gens », déclare-t-il. Il observe que dans les enquêtes, les pratiques sont complètement différentes des réponses données aux questionnaires : personne ne déclare aimer s’asseoir au milieu d’une foule, et il est toujours de bon ton de dire qu’on recherche le calme et l’isolement. Pourtant, ce sont les lieux populeux qui attirent le plus – pas seulement pour le spectacle, mais aussi pour la conversation. Il observe que les situations les plus en vue (sièges en première rangée, bancs orientés vers une voie passante) sont en général occupés par les hommes, alors que les femmes s’installent plus en retrait. Et c’est là qu’interviennent les « girl watchers » :

« Parmi les hommes en première ligne, les plus voyants sont les « girl watchers ». Ils y mettent tellement d’efforts qu’on a l’impression que leur principal intérêt, ce ne sont pas tant les filles que le spectacle qu’ils donnent en les regardant. En général, ils se tiennent très près les uns des autres, en rangées de trois à cinq [trois… ça ne vous rappelle pas un un sketch des « Inconnus »? Sinon, c’est ici…]. Si ce sont des travailleurs du bâtiment, ils sont très démonstratifs, avec force sifflements, rires et salutations directes. C’est la même chose avec la plupart des « girl watchers » du quartier financier à New York. Dans le Midtown, ils sont plus inhibés, la jouent cool, avec maints ricanements, comme si les filles n’étaient pas à la hauteur. Uptown ou downtown, c’est le même machisme partout ; mais pas une seule fois nous n’avons vu un « girl watcher » draguer une fille ou essayer de le faire. »

A relier à l’article ci-dessous sur Les femmes et l’espace public urbain »

Date de l’article d’origine : 19 mars 2012. Photo : L’urbaniste danois Jan Gehl observe la vie urbaine à Copenhague.

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