(article de « Apus », 21 mars 2012)
Je connais un lieu public qui est le support intense de jeux d’enfants et d’adolescents depuis plus de 40 ans. Il s’agit d’une simple surface circulaire en béton d’une douzaine de mètres de diamètre. Mais d’où lui vient son succès?
Certes il est bien situé sur la place du village, les quatre bancs répartis à son pourtour participent à son intérêt, des acacias lui procurent un ombrage bienvenu en été et sa forme en cercle amène de multiples jeux, tel un manège pour les enfants. Mais dans mes souvenirs d’enfance, ce qui m’attirait le plus à cet endroit était le toucher du sol.
Un béton finement bouchardé au rouleau (un petit rouleau en laiton garni de picots et appelé « boucharde de cimentier » très utilisé dans les années 1950 qui imprime de petits motifs et lisse le béton avant sa prise complète). Cette finition procure un aspect très doux au toucher et légèrement glissant. Les arbres caducs lui confèrent un toucher frais l’été et chaud l’hiver. Bref une surface sur laquelle on se couche volontiers, on glisse et on joue à quatre pattes sans s’user la peau des genoux. La finesse de ce matériau est idéale pour tout ce qui roule : petites voitures, trottinettes, rollers, billes, ballons… Et 40 ans plus tard, même usé ça fonctionne encore.
Je n’ai jamais retrouvé un tel matériau sur les espaces publics contemporains. Ils sont souvent en bitume, en grave (plus écolo) ou sols souples (plus « sécurisant ») donc toujours rugueux et irritants pour la peau des bambins.
A la lumière de cet exemple, ne faudrait-il pas prendre en compte à l’occasion le « toucher » dans l’étude des sociotopes ?
Sociotopes en France 