Un avantage de la méthode des sociotopes est qu’elle ne s’occupe absolument pas de savoir, au stade de l’analyse des usages, si un terrain est public ou privé : la seule chose qui compte, c’est de savoir si ce terrain est utilisé par les gens. Le sociotope ne coïncide donc pas (ceci est une révision des chapitres précédents !) avec la notion d’ « espace public ».
L’illustration ci-contre concerne le territoire de Concarneau, où l’on voit que les habitants du principal quartier HLM ont pris l’habitude de traverser une prairie pour aller faire leurs courses à pied au centre commercial ; cette habitude se matérialise par deux sentes bien tracées et visibles sur la photo aérienne. A supposer que cette prairie appartienne à un particulier, l’observateur doit-il faire semblant de ne rien voir, au motif que cet usage de fait ne serait pas fondé en droit, et l’aménageur doit-il ignorer qu’il existe là un cheminement utile aux habitants du quartier, quitte à le couper par un obstacle infranchissable ?
Ceci nous amène à évoquer sous son aspect juridique la question du passage sur les terrains privés : il est de jurisprudence constante (depuis un arrêt de la Cour de Cassation de 1854) qu’un terrain ou un chemin présente un caractère ouvert dès lors que son propriétaire n’a pas expressément manifesté sa volonté d’en interdire l’accès au public, soit par une clôture adéquate, soit par une pancarte sans ambiguïté. Sauf dégradation, le propriétaire d’un terrain non interdit d’accès n’est donc pas fondé à poursuivre le promeneur de bonne foi. La propriété privée apparaît donc assez mal protégée contre les allées et venues des manants (cf « Le droit de la randonnée pédestre », par Patrick Le Louarn, PUF 2002), ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour les amateurs de sociotopes et ne peut qu’inciter à aller voir ce qui s’y passe.
Date de l’article d’origine : 11 février 2012
Sociotopes en France 
