Le parc urbain comme résidu de l’urbanisation (suite)

Lorsqu’on observe des cartes, des photos aériennes, ou tout simplement qu’on circule autour des villes, on est frappé par la quantité de parcs publics qui sont coincés contre des routes à grande circulation. En observant de plus près la production moderne de parcs et jardins dans les quartiers péri-urbains, on constate fréquemment que les espaces dévolus aux parcs s’expliquent par des motifs topographiques (impossible d’y bâtir), juridiques (servitudes d’inconstructibilité pour les motifs les plus divers) ou de nuisances (anciennes décharges, risques naturels ou technologiques, zones bruyantes…) ; le parc public devient alors une sorte de « vocation par défaut », quand on ne peut pas aménager autre chose – et quand le terrain n’est pas cher.

Les résultats ne sont pas forcément inintéressants, bien au contraire : on peut citer par exemple, à Caen, le parc floral de la « Colline aux Oiseaux », ancienne décharge dans l’angle entre le périphérique nord et une route à quatre voies. Il existe même des parcs urbains aménagés sur d’anciennes réservations foncières pour des routes qui n’ont jamais été réalisées (deux beaux exemples dans l’Ouest : la « coulée verte » sur la commune de Cormelles-le-Royal dans la banlieue de Caen, la grande bande verte qui traverse le quartier Patton au nord de Rennes). Un peu partout, des services d’espaces verts ont su astucieusement tirer parti de ces situations contraignantes ; et c’est aussi, bien souvent, dans de tels environnements que l’on crée aujourd’hui des jardins familiaux.

Pourtant, la plupart de ces réalisations soulèvent de sérieuses interrogations : si le parc public est traité comme un laissé-pour-compte de l’aménagement urbain, donc aux antipodes d’une conception « structurante », son succès n’est pas du tout garanti. Coincé contre des routes difficilement franchissables, voire totalement étanches, dans un environnement bruyant, il risque d’être peu fréquenté par la population avoisinante, avec tout ce qui s’ensuit en matière d’entretien et de sécurité ; de tels échecs sont très nombreux, vous pouvez en trouver sans peine autour de vous. Si les deux exemples ci-dessus (à Rennes et à Cormelles) fonctionnent bien, c’est parce que les délaissés en question servent aujourd’hui de « cheminements doux » qui relient des quartiers entre eux (Cormelles) ou connectent la ville à la campagne (Rennes). L’opportunisme qui consiste à créer du parc public dans des espaces contraints ne saurait donc remplacer une toute autre approche qui consiste à construire autour d’espaces identifiés à la fois pour leurs qualités propres et leur fort potentiel d’usage social, ou à produire des parcs là où il y en a besoin. Ceci nous ramène à l’intérêt des politiques de « trames vertes urbaines », et nous renvoie aussi à l’article ci-dessous sur « les sociotopes et l’hygiénisme ».

Un petit dossier photographique illustrant cet article est téléchargeable ici. Image ci-dessus : IGN / Géoportail.

Voir également l’article antérieur avec le même titre.

Date de l’article d’origine : 1er février 2012

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