Le dernier numéro des « Cahiers de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France » (IAU / IdF), consacré aux paysages, a été évoqué ci-dessous. On y trouve entre autres un article de Brigitte Guigou (IAU/IdF), intitulé « Les paysagistes face au paradoxe de la concertation », qui peut intéresser les lecteurs de ce blog puisqu’il concerne de près la méthode des sociotopes.
Au terme d’une dizaine d’entretiens avec des professionnels de l’urbanisme et du paysage, l’auteur s’interroge sur l’apport réel des dispositifs de concertation dans la production d’espaces publics de qualité, adaptés aux besoins des gens. Les retours d’expériences apparaissent dans l’ensemble peu concluants, en raison notamment des contradictions entre les attentes exprimées, des évolutions de ces attentes dans le temps, des clivages entre les méthodes des concepteurs et des sociologues, des difficultés de l’arbitrage… « La perspective d’adapter l’espace à des usages prédéfinis, en s’appuyant sur une analyse fine et exhaustive des pratiques, constitue de toute évidence une impasse ». Voilà a priori un pavé dans la mare des sociotopes et autres méthodes d’inspiration comparable, telles que celles développées par PPS (voir rubrique spécifique et autres articles dans ce blog).
L’article souligne cependant les vertus démocratiques et politiques des méthodes basées sur la concertation, qui ressortent clairement des retours d’expériences ; il insiste par ailleurs sur la nécessité d’intégrer les compétences issues des sciences sociales dans les équipes de conception des projets.
Que reste-t-il de notre méthode des sociotopes une fois passée au crible de ces critiques ? Elle ne prétend pas produire des espaces publics parfaits par une sorte de « traduction spatiale et mécanique d’une liste d’usages prédéfinis », pour reprendre les termes de l’auteur. Elle est avant tout un précieux outil d’observation et de compréhension du fonctionnement de toutes sortes d’espaces, permettant de planifier l’offre d’espaces ouverts pour la rendre équitable et accessible à tous. Elle ne marginalise nullement le rôle du concepteur et du maître d’ouvrage, mais oblige à prêter attention aux usages effectifs et aux besoins non satisfaits, dont le caractère éventuellement contradictoire ne saurait être un prétexte suffisant pour les balayer du revers de la main. On peut aussi objecter à l’auteur que si « une analyse fine des pratiques » n’apporte rien, une analyse fine de la demande sociale et en particulier des besoins non satisfaits pourrait peut-être apporter des idées utiles ?
La photo principale qui illustre l’article (ci-dessus, auteur A. Costes) pose problème. On y voit un « aménagement élaboré dans le cadre d’une concertation », sans autre commentaire. L’intention de l’auteur qui a choisi cette photo n’est pas claire : s’agit-il de montrer un espace raté, un espace réussi, de laisser le lecteur se faire une idée par lui-même ? Je voudrais juste faire un commentaire au sujet des bancs (une fois de plus !) : si ce travail de concertation aboutit à réaliser des bancs sans dossier, sur lesquels on ne peut pas s’installer pour lire ou bavarder confortablement (on n’y voit d’ailleurs personne, est-ce en rapport avec le choix de l’image ?), on s’interroge en effet sur son utilité. Mais on s’interroge aussi sur les concepteurs et le maître d’ouvrage qui ont quand même bien dû intervenir dans cet aménagement à un moment ou à un autre : leur est-il arrivé d’observer des gens sur des bancs, voire de s’y assoir eux-mêmes ? On ne me fera pas croire que si on consulte des habitants sur leur besoin de bancs et sur l’usage qu’ils comptent en faire, les réponses soient ambiguës et contradictoires au point que plus personne ne soit capable de voir l’utilité d’un dossier.
Date de l’article d’origine : 2 octobre 2011