« Placitre », écrit en principe sans accent circonflexe (1), c’est un nom en apparence tout ce qu’il y a de français, mais qui semble inusité hors de Bretagne. On s’accorde à le définir comme l’espace, souvent clos, qui entoure une chapelle ou une église. Le livre de Jean-René Trochet sur « Les maisons paysannes en France » fait un parallèle entre placitre, coudert et quéreux : « un endroit libre dans un village, généralement herbu et planté d’arbres ; une sorte de place publique ou d’élargissement de rue », et précise que « le placitre breton était utilisé pour les jeux collectifs ».
Le placitre peut prendre la forme d’un « enclos paroissial », regroupant autour de l’église un calvaire, un cimetière et un ossuaire, voire une fontaine ; il en existe de magnifiques en Finistère, mais leur statut de curiosités touristiques a éclipsé leur usage par les habitants. En revanche, autour d’une quantité d’églises et de chapelles rurales dans toute la Bretagne, on trouve des placitres réunissant les fonctions religieuses traditionnelles et des fonctions bien plus profanes – jeux de boules, tables de pique-nique, fêtes locales, souvent à l’ombre de beaux arbres. Ces espaces de grande qualité, où l’on trouve de nombreuses valeurs de sociotope sur une petite surface, continuent de jouer un rôle majeur dans la vie sociale des campagnes ainsi que dans l’accueil touristique – dans beaucoup de communes, c’est à peu près le seul genre d’endroit où l’on peut offrir au visiteur à la fois du patrimoine et la possibilité de se reposer ou de pique-niquer à l’ombre avec un moyen de se laver les mains, car il y a en général une fontaine à proximité.
Notons au passage que les possibilités de s’asseoir dans les placitres sont souvent nombreuses, entre les bancs de pierre incorporés dans la façade ou le porche de la chapelle, les gradins du calvaire offrant un choix d’expositions, ou les abords de la fontaine.
La photo ci-dessus, prise il y a quelques jours à la pointe du Van, montre le petit placitre de la chapelle Saint-They, et des visiteurs installés au soleil sur le socle du calvaire pour contempler la pointe du Raz, la chapelle offrant un abri bienvenu contre le vent du nord.
____________________________________________________
(1) Vérification faite, je ne sais pas d’où je sors cette affirmation car ce mot ne figure pas dans les dictionnaires (Académie, Grand Robert…), donc cette histoire d’accent n’a aucun intérêt (ajout du 19/2/2022).
Date de l’article d’origine : 22 avril 2013