Nous avons jadis présenté ici quelques sociotopes typiquement bretons (le menhir, la plage, le calvaire…), en voici un autre qui est tout à fait adapté à la digestion paisible d’un kouign-amann ou d’un repas de crêpes. Il s’agit de ces banquettes de pelouses accueillantes et moelleuses que l’on trouve sur le flanc ou au sommet des falaises exposées au vent marin et aux embruns salés (d’où leur appellation). Ces conditions rudes sélectionnent sévèrement la végétation, qui comporte un assortiment d’espèces particulières au port bas et compact. Les deux espèces dominantes, la fétuque rouge (Festuca rubra ssp. pruinosa) et l’armérie maritime (Armeria maritima) ont la particularité d’offrir un confort inattendu dans cet environnement hostile : les touffes d’armérie forment des coussins assez fermes, parfaits pour s’asseoir, tandis que les peuplements de fétuque sont idéaux pour s’allonger. De plus, même si ces pelouses sont a priori exposées aux éléments, on arrive toujours à en trouver qui soient abritées du vent, tout en étant bien ensoleillées.
Par un beau week-end printanier, comme le dernier en date, on s’aperçoit que les promeneurs sont prompts à trouver le mode d’emploi de ce milieu, et que tous les meilleurs coins sont occupés par les publics les plus variés qui soient, occupés à saucissonner, à jouer, à bavarder, à lire, à regarder la mer ou à prendre un bain de soleil. De quoi horrifier les botanistes, préoccupés par la préservation de cet habitat d’intérêt communautaire (code 1230-3 !), mais cette ambiance détendue est quand même bien agréable, et on peut espérer que vautrés dans les fétuques, les visiteurs prennent le temps d’apprécier le merveilleux spectacle des falaises fleuries en ce début de printemps.
Date de l’article d’origine : 23 avril 2019