Les abords des villes accueillent souvent des occupants et activités en marge de la légalité, dans des replis de terrain discrets, des espaces naturels peu fréquentés ou des installations à l’abandon. Près de Lorient, un bon exemple en est donné par l’ancienne poudrière du Mentec, abandonnée par l’armée et réappropriée par d’autres usagers, après arrachage des grilles et de bouts de clôtures.
De talentueux tagueurs s’en donnent à cœur joie sur les murs de ciment, des récupérateurs et casseurs viennent à la nuit tombée, des familles se baladent le dimanche entre les amas de canettes vides et de verre pilé, une rave-partie s’est tenue un week-end, des squatteurs s’installent par intermittence, et on découvre par internet d’autres usages du site : jeux de guerre, danse hip-hop, exploration et photographie de lieux insolites (voir dossier de photos ici)… La liste n’est pas close.
La question de savoir ce que l’on peut faire d’un tel site est actuellement à l’étude, mais ce qui nous intéresse ici, c’est la manière de prendre en compte de tels usages dans la méthode des sociotopes. Dans la mesure où celle-ci s’intéresse aux usages effectifs d’un espace, quels que soient les statuts juridiques des dits espace et usages, tout ce qui vient d’être évoqué mérite d’être pris en compte, mais à quelles « valeurs » raccrocher tout cela ? La liste des valeurs de sociotope (voir plus ici dans ce blog) se réfère à des usages dans l’ensemble paisibles, licites et diurnes. Faut-il y inclure des « qualités » liées à du vandalisme, des trafics et autres activités louches ? Les marges de la ville et de la société posent le problème des limites de la méthode. La question n’est pas seulement théorique, puisqu’il s’agit bien de savoir quels usages sont acceptables ou non dans un projet d’aménagement, et par exemple si le graffiti artistique est à tolérer voire à encourager, ou au contraire à proscrire. L’enquête auprès des usagers permettrait sans doute d’apporter des éclairages utiles.
Date de l’article d’origine : 4 avril 2011
Sociotopes en France 