La « résidentialisation » contre les sociotopes ?

Date de l’article d’origine : 11 mai 2011

Par « résidentialisation », on entend ici les opérations consistant à donner un caractère privé aux immeubles, par exemple en posant des grilles à l’entrée ou en aménageant un jardin au pied de l’immeuble, de manière à permettre une appropriation de celui-ci par ses habitants. « Conçue comme la panacée contre les phénomènes de déqualification sociale, la résidentialisation [fait suite au] constat de relative inefficacité des opérations classiques de réhabilitation sur les conditions de vie réelles des habitants. […] Cette perspective qui ambitionne de réduire des problèmes mal définis (les incivilités, la déqualification sociale) à des problèmes de forme urbaine, propose curieusement un programme d’intégration urbaine par la création d’entités spatiales repliées sur elles-mêmes » (v. Golovtchenko N. (2002) in Segaud M., Brun J., et Briant J.-C. (Dir.). (2002). Dictionnaire de l’habitat et du logement.

Il n’est pas dans mes intentions de discuter le bien-fondé de cette pratique en plein développement. Simplement, quelques balades à travers Paris m’ont confirmé un phénomène que j’avais déjà aperçu à Tremblay-en-France (93), à savoir que les opérations de résidentialisation semblent s’accompagner souvent d’un appauvrissement des espaces communs au plan de leurs usages. Certes, à la place des pelouses râpées et des buissons pleins de détritus, on a des gazons bien tondus sur lesquels plus personne ne marche, et des plates-bandes de rosiers. L’espace se réduit à une fonction ornementale, encore que celle-ci en dissimule sûrement bien d’autres à caractère plus symbolique : ordre, propreté, tranquillité et sécurité (plus d’enfants qui jouent, d’ados qui zonent ni de voitures qui brûlent), sentiment de revalorisation sociale, etc. La photo ci-contre est prise dans un quartier HLM du côté de la Butte-aux-Cailles (Paris 13è), on peut faire d’autres observations du même genre dans les ZAC récentes du côté de la BNF entre Ivry et la gare d’Austerlitz.

Je n’aurais sans doute pas fait cet article si je ne m’étais pas trouvé, juste après ces balades parisiennes, dans des quartiers périphériques de Stockholm, où toutes les opérations d’urbanisation récentes ou en cours misent au contraire à fond sur une ouverture et une transparence maximales, ceci dans le droit fil d’une tradition nationale où les frontières entre espace public et espace privé sont souvent très floues et où la mentalité reste assez réfractaire aux « gated communities », même s’il en existe). La différence entre les approches urbanistiques en la matière est absolument saisissante et mérite d’être réfléchie.

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