(Date de l’article d’origine : 29 janvier 2015)
Lors de l’étude sur les sociotopes de Ploemeur, il est apparu rapidement que les chemins posaient un problème particulier. Dans la méthode mise au point en Suède, ils ne sont pas cartographiés comme espaces ouverts ni identifiés comme sociotopes, mais présentent surtout un intérêt pour l’accès à ceux-ci. Faut-il voir là le reflet de pratiques sociales différentes des nôtres ? La nature en France, c’est ce que le sociologue Bernard Kalaora a appelé « le salon vert », et sur les chemins, on marche souvent à plusieurs de front, dès que c’est possible, et on cause. En Italie, j’ai le souvenir d’un sentier de montagne dans le val d’Aoste un dimanche, avec des tribus bavardes montant chargées de chaises pliantes, de glacières et de ballons, en vue d’une après-midi de causette, de farniente et de jeux dans les alpages. Dans les pays germano-nordiques, par contre, il semble que l’on préfère marcher seul avec ses pensées, à un rythme plus soutenu que chez nous, et on ne tient pas salon dans les chemins (ça ne serait peut-être pas assez sérieux ?).
Dès lors, pourquoi ne pas considérer que les chemins et sentiers, malgré leur faible largeur, sont à la fois des espaces ouverts et des sociotopes à part entière ? Il sera intéressant de voir, lorsque sera posée aux habitants d’une commune la question « Quel est votre lieu favori », point de départ de toute bonne enquête sur les sociotopes, si des chemins apparaissent dans les réponses. Quoi qu’il en soit, on aperçoit l’intérêt de proposer au public, au moins à proximité des zones très peuplées, des cheminements suffisamment larges pour que les promeneurs puissent y pratiquer les plaisirs de la conversation, qui font manifestement partie d’un art de vivre à la française. Essayez donc de discuter politique, ou d’énumérer les heurs et malheurs de vos rejetons, en marchant à la queue-leu-leu, avec vue sur… le dos de votre voisin(e) ?
Photo : chemin côtier à Combrit (Finistère).
Sociotopes en France 