Voyage au pays des dents creuses

Photo : panneau à l’entrée d’un des villages étudiés. En effet, les enfants peuvent y cavaler librement et sans risques, ils peuvent même partir sur des chemins qui mènent vers des bois et jusqu’à la mer toute proche. Mais de telles conditions ne sont pas si fréquentes.
 

Je viens d’achever mes visites de 44 lieux-dits répartis dans 14 communes littorales, y compris une île, afin d’évaluer les incidences environnementales d’éventuelles constructions additionnelles dans les fameuses « dents creuses », qu’une modification à la loi littoral permet désormais de « boucher ». Comme indiqué précédemment, j’ai choisi d’ajouter aux critères habituels d’évaluation environnementale :

– le thème des conditions de vie pour des populations spécifiques – c’est à dire, pour l’essentiel, les enfants, les jeunes, les personnes âgées et les personnes ayant des difficultés à se déplacer.

– le thème des conditions d’accès aux espaces verts et espaces naturels (j’attends d’ailleurs avec intérêt l’avis de la MRAE (mission régionale d’autorité environnementale) là-dessus car, comme nous l’avons vu antérieurement, l’idée de permettre l’accès du public aux espaces naturels n’a pas l’air de leur plaire).

A l’usage, et ayant fini de remplir ma « grille d’analyse multicritères », je trouve ces critères très utiles pour sélectionner les sites acceptables ou non dans la perspective d’ouvertures à l’urbanisation, car les autres critères sont en général peu sélectifs. La sensibilité écologique ou paysagère est en général faible dans des agglomérats urbanisés souvent très artificialisés par des lotissements sans âme ou du mitage, il y a de l’assainissement collectif à peu près partout, peu de problèmes d’exposition à des pollutions ou des risques… En revanche, les conditions d’accès aux espaces verts (plus précisément à des espaces verts ou naturels publics à distance de marche) sont extrêmement variables. Certains lieux-dits (11) offrent des conditions satisfaisantes voire excellentes, qui peuvent permettre de compenser plus ou moins, dans la perspective d’une évaluation globale de la qualité de vie, des problèmes d’éloignement par rapport aux équipements et services. A l’inverse, d’autres (13) n’ont rien d’autre à proposer en matière de « vie au vert » que l’isolement au milieu des champs, imposant l’usage de la voiture pour aller se bouger et prendre l’air. Dans ce genre de cas, on peut fortement douter qu’il y ait un intérêt général à urbaniser.

Toute évaluation environnementale digne de ce nom est tenue de proposer des mesures destinées à « éviter, réduire ou compenser » les incidences négatives d’un projet sur l’environnement, et là aussi il y a de la matière. On peut en effet subordonner l’ouverture à l’urbanisation à la réalisation d’espaces communs (verts ou non), à des acquisitions d’espaces naturels pour les rendre accessibles aux habitants, à la réalisation de chemins piétonniers ou cyclables, etc. De tels projets engagent la collectivité, et peuvent inciter des élus à y réfléchir à deux fois avant de distribuer des droits à construire. J’ai de nombreuses propositions en ce sens, on va bien voir si ça passe.

Enfin, le « voyage au pays des dents creuses » est l’occasion de voir des situations étonnamment variées, allant de jolis villages pleins de verdure et de vie sociale jusqu’à de sinistres lotissements posés au milieu des champs, en passant par des rangées de maisons le long d’une route départementale ou, une de mes heureuses surprises, ce petit quartier doté de jeux de boules qui semblent attirer tous les papis des alentours 365 jours par an. L’impression globale est tout de même assez déprimante, car des quantités de hameaux ou villages de caractère sont aujourd’hui tartinés de lotissements périphériques qui donnent l’impression d’être dans n’importe quelle banlieue, alors qu’une urbanisation dans un « esprit de village » autour d’espaces partagés aurait pu avoir davantage d’agrément. C’est la différence entre le travail de l’urbaniste et celui du découpeur de parcelles.

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