(Suite de la traduction de « The Social Life of Small Urban Spaces », de W.H. Whyte)
Les lieux les plus intensément utilisés que nous ayons trouvés sont des bancs sur des îlots d’avenue au centre d’Upper Broadway. Au plan environnemental, ces endroits sont abominables. Il y a un maximum de bruits de trafic et de fumées d’échappement venant des voies adjacentes ; le bruit du métro remonte du sol ; les bancs sont décrépits et souvent pleins de drogués ou d’épaves. Mais pour les personnes âgées du secteur, ces endroits sont précieux. Au cœur de l’après-midi, chacun de ces bancs de 5,40 m reçoit entre sept et neuf personnes en même temps. Rapporté à un linéaire de 100 pieds (30 mètres), c’est une densité très élevée, entre 39 et 50. Il est intéressant de remarquer que les plus fortes densités apparaissent aux principaux carrefours, là où il y a le plus de bruit et de pollution, mais aussi le plus de spectacle à observer.
Notre graphique d’observation à Seagram offre plusieurs autres points intéressants. L’un d’eux est l’uniformité avec laquelle le nombre total d’assis se répartit sur la corniche. A un instant donné il y a peu d’uniformité, mais à la fin de la journée, il apparaît que les données cumulées pour chacun des 11 carrés de la corniche sont similaires. Il y a une seule exception : le carré à côté des marches. Il comporte deux corniches, et attire deux fois plus de personnes.
La comptabilisation du temps passé par les gens est aussi révélatrice. Du fait de la rotation élevée, on est tenté de penser que ceux qui arrivent et repartent vite représentent l’essentiel du temps passé sur la corniche. Mais les apparences sont trompeuses. Le jour où nous avons enregistré nos observations à Seagram, 226 personnes sont venues s’asseoir. Et, comme on peut s’y attendre, le nombre de ceux qui restaient quelques minutes était plus élevé que le nombre de ceux restant plus longtemps. Pourtant, si vous prenez en compte le temps total passé assis, vous vous apercevez que ceux qui sont restés plus longtemps comptent pour bien plus que les autres dans ce total. Celui-ci – 3277 minutes – est représenté aux trois-quarts par des personnes restées 11 minutes ou plus, et pour la moitié par des personnes restées 21 minutes ou plus. Une étude de la corniche sud a donné des résultats similaires : les trois-quarts du temps passé à l’heure du déjeuner se rapportaient à des personnes restant 15 minutes ou plus. Il y a là une leçon pour les designers : concevez les aménagements pour la personne qui va rester un bon moment.
Photo : bancs à New-York (Brooklyn).
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