Lors de ma première journée de terrain dans les « dents creuses » de communes littorales, j’ai parcouru 11 lieux-dits. Le premier est un lotissement de 3,3 ha et 30 maisons, greffé sur un minuscule noyau de trois maisons anciennes (dont deux ex-cafés) à un carrefour. Ce lotissement dans l’esprit « tablette de chocolat » semble sorti de la fertile imagination d’un géomètre : tout est à angles droits, la voirie est largement dimensionnée (jusqu’à 8 mètres), les trottoirs servent à garer les voitures… on pourrait être dans une banlieue urbaine, alors qu’on est en pleine campagne. La plupart des maisons sont entourées de clôtures étanches, parfois de véritables forteresses de parpaings : aucun enfant ne peut s’échapper, aucun hérisson ne peut pénétrer. Les terrains sont assez grands (de 600 à 1000 m² en moyenne), mais comme les maisons sont implantées en milieu de parcelle, et compte tenu de la place prise par les accès aux garages, il ne reste guère d’espace pour la verdure, qui se réduit à du gazon et quelques buissons pour meubler l’espace – mais dans tout le quartier, il n’y a pas un seul arbre digne de ce nom.
Les enfants et les jeunes vivent ici un double enfermement : dans un terrain stérile et hermétiquement clos, et dans un lotissement au milieu des champs, à 1,7 km du bourg et sans chemin piétonnier ou cyclable pour y accéder. Au cœur du quartier, il y a bien un rectangle herbeux public de 300 m², mais sans indices d’usage récent – on remarque une cage de buts renversée, tandis que l’autre semble avoir disparu. Passant un peu plus tard en mairie, je rencontre le maire qui, sans que je lui aie rien demandé, exprime sa préoccupation par rapport aux conditions de vie des habitants : « On ne ferait plus ce genre de lotissement aujourd’hui. C’est difficile pour les gens qui ont des enfants, ils passent beaucoup de temps en voiture car on ne peut pas marcher le long de la route départementale qui mène au bourg. Nous aimerions créer une voie pour les piétons et les vélos, mais c’est compliqué parce que tous les terrains sont privés et il faut faire des acquisitions ». Dans ces conditions, quel intérêt général peut-il y avoir à « boucher les dents creuses » en admettant des constructions supplémentaires ?
A suivre.