La question ne se pose pas vraiment dans les pays « germano-nordiques », où les cimetières sont en général aménagés, gérés et utilisés comme des parcs publics. En France, en revanche, l’ambiance et le fonctionnement des cimetières sont bien différents et il n’est pas étonnant que les premières études de sociotopes aient buté sur ce problème, en l’occurrence à Plœmeur et à Brest.
La question n’est pas tellement de savoir si les cimetières entrent dans la catégorie des espaces ouverts puisque la réponse serait a priori oui, même si de mauvais esprits remarqueront que la définition exclut les lieux à fonction de terminal… On peut en revanche être plus perplexe quant aux « valeurs » attachées aux cimetières, dont la vocation assez spécialisée exclut les usages à caractère récréatif, sportif ou autres – ces usages étant soit impossibles de fait, soit interdits par la réglementation, soit d’une manière générale considérés comme indésirables. Cependant, si le recueillement devant les tombes n’est pas forcément constitutif d’une « valeur » au sens de la méthode des sociotopes, on constate que le cimetière à la française tend à évoluer vers un espace d’agrément ouvert à la promenade et à la détente et donc à acquérir des valeurs de sociotopes – ce qui est déjà le cas depuis longtemps dans certains grands cimetières urbains comme celui du Père-Lachaise, bien sûr.
Dans ce domaine, la méthode des sociotopes incite à procéder sans a priori : à partir du moment où l’observation directe et l’enquête mettent en évidence une pratique des cimetières liée à des valeurs autres que la visite des tombes, ces données doivent être prises en considération, que cela fasse ou non plaisir aux gestionnaires. Si ces observations peuvent aider à faire évoluer le « cimetière à la française » vers un espace plus accueillant et attractif, au bénéfice des habitants du voisinage, ce travail n’aura pas été vain.
Date de l’article d’origine : 8 mars 2011. Photo : cimetière rural à Trégarvan (Finistère).