Un fidèle visiteur m’a récemment fait part de son intérêt pour les sociotopes dans les zones d’activités et notamment dans les espaces verts d’entreprises. Ce sujet peut à première vue paraître un peu saugrenu, car dans la plupart des zones d’activités et espaces d’entreprises, on cherche en vain des espaces voués à l’agrément du personnel ou des visiteurs : ces endroits-là, c’est bien connu, sont faits pour travailler ou pour acheter, mais sûrement pas pour prendre quelques instants de plaisir.
L’idée d’offrir aux salariés d’une entreprise un environnement extérieur agréable, avec même des possibilités d’activités sociales ou de détente, n’est pourtant pas nouvelle. Elle a été mise en œuvre dès le milieu du 19è siècle dans le familistère de Guise, créé par Godin, et développée par la suite – notamment en Alsace et Lorraine – dans le cadre de ce qu’on appelle avec un peu de condescendance le « paternalisme patronal ». Or, ne voilà-t-il pas que dans un document tout récent sur l’aménagement durable des zones d’activités (APPEL, réseau Eco-entreprises Rhône-Alpes, septembre 2010), la question des espaces verts est traitée sous l’angle du « verdissement » avec quelques allusions à la biodiversité, comme il se doit, mais sans un mot sur la possibilité d’utiliser ces espaces pour le bien-être des salariés.
Le paradoxe est que certaines entreprises disposent autour de leurs locaux de surfaces d’espaces verts parfois importantes, plus ou moins « paysagées » et meublées avec des végétations ornementales, tandis que les salariés se voient généreusement offrir un « coin fumeurs » jonché de mégots en plein courants d’air, et piquent-niquent pour certains dans leur voiture au milieu d’un parking (ça, au moins, ce n’est pas du paternalisme !). Il y aurait pourtant de la place pour aménager des coins pique-nique sous des tonnelles fleuries, à l’ombre ou au soleil, voire même installer quelques équipements simples pour des activités physiques pendant les pauses. Allez savoir si la sacro-sainte productivité du travail n’y gagnerait pas ?
L’idée de mettre en œuvre la méthode des sociotopes dans un environnement d’entreprises, que ce soit sur le terrain d’une entreprise unique ou dans une zone d’activités, ouvre donc des perspectives très intéressantes et manifestement peu explorées. La pauvreté des résultats d’une première recherche rapide sur internet, tant en anglais qu’en français, suggère qu’il y a fort à faire.
Date de l’article d’origine : 24 février 2011. Depuis cet article, ce sujet a été travaillé par Hortense Serret au sein du bureau d’études Astrance, dans le cadre d’une thèse (« Jardins d’entreprises en Ile-de-France : biodiversité, gestion, usages ». Muséum national d’histoire naturelle, 2014).