Fréquentation des espaces naturels et biodiversité

Date de l’article initial : 24 janvier 2011

Les propos sur les rapports entre sociotopes et biodiversité, exprimés dans le récent mémoire sur les sociotopes d’un quartier de Brest, renvoient à des préoccupations identiques qui apparaissent dans des documents préparatoires ou consécutifs à la loi Grenelle 2, dans sa partie consacrée à la « trame verte et bleue ». L’idée générale est que la préservation de la biodiversité est un objectif primordial auquel les fonctions sociales des espaces naturels doivent être subordonnées.

Il n’y a là rien de choquant à première vue. Pourtant, on aimerait bien savoir si les impacts de la fréquentation sur la biodiversité ont une gravité telle que cette subordination mérite d’être ainsi érigée en dogme. Ce fut une des premières questions posées à Alexander Ståhle lors de sa venue à Lorient. Sa réponse fut qu’il n’avait jamais rencontré de situation où des mesures simples de gestion des flux de visiteurs n’aient pas permis de régler des problèmes de dérangements ou de perturbation des milieux naturels. Lorsque le guide « Enjeux et principes de la TVB » (2009) admet que « certaines activités de plein air ne portent pas atteinte à la nature, du moins tant que la fréquentation reste adaptée à la capacité d’accueil du milieu« , il se réfère à une notion (la capacité d’accueil) éminemment discutable : cette capacité est moins liée au milieu lui-même qu’à la manière dont il est géré. L’exemple des dunes, milieu hautement fragile, montre que leur capacité d’accueil sans dommage pour la biodiversité peut varier dans des proportions énormes selon les modalités d’accueil du public.

Si l’on considère la réalité des problèmes d’impacts de la fréquentation piétonne sur la biodiversité dans un territoire comme celui du Pays de Lorient, les difficultés apparaissent aujourd’hui moindres qu’il y a 20 ans, grâce notamment aux politiques de restauration du littoral, et limitées à un petit nombre de sites (stations botaniques, colonies de reproduction d’oiseaux aquatiques) pour lesquels des solutions peuvent être trouvées sans difficultés majeures.

Il semble que l’on ait affaire à deux écoles correspondant à des idéologies très contrastées. D’un côté, des adeptes d’une écologie fondamentaliste pour lesquels l’homme est par définition un élément perturbateur, qui ne saurait être admis dans les espaces naturels avec ses gros sabots et ses pattes sales qu’avec les plus grandes précautions (cf les thèses de François Terrasson, qui proposait de « n’admettre les gens dans la nature qu’après avoir modifié leurs comportements au moyen d’une pédagogie appropriée » – Le Monde, 18/2/1978). De l’autre, ceux qui considèrent que la présence de l’homme dans les espaces naturels n’est pas une nouveauté, que ce n’est pas non plus une menace si elle s’exerce de façon pédestre et contrôlable, qu’elle peut même participer à la biodiversité, et que de toute manière, la fréquentation des espaces naturels est indispensable au bien-être et à l’équilibre des humains. Les premiers pourraient redécouvrir la pensée humaniste et généreuse du naturaliste Michel-Hervé Julien (1927-1966), dont témoignent à la fois  son livre « L’Homme et la nature », paru en 1965, et son action en faveur d’une nature à la fois protégée et accessible (avec par exemple la création de la réserve ornithologique du Cap Sizun).

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s